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Les titres‑restaurant : instrument social, outil de fidélisation et levier fiscal

Introduction


En période d’inflation durable sur les denrées alimentaires, le titre‑restaurant s’impose comme un levier RH central pour soutenir le pouvoir d’achat sans alourdir la masse salariale imposable. La réévaluation, au 1ᵉʳ janvier 2025, du plafond d’exonération patronale à 7,26 € par titre et la prolongation, jusqu’au 31 décembre 2026, de la possibilité d’acheter tout produit alimentaire renforcent encore l’attrait de ce dispositif. Comprendre son cadre juridique, social et fiscal est donc indispensable aux dirigeants, experts‑comptables et juristes d’entreprise afin d’optimiser la politique de rémunération et d’éviter les redressements URSSAF.



1. Fondements juridiques et champ d’application


Le titre‑restaurant, régi par le code du travail (articles L 3262‑1 et suivants), est un moyen de paiement remis par l’employeur pour régler un repas ou, depuis la dérogation de 2022 prolongée en 2025, tout produit alimentaire. Il peut être émis sous format papier, carte à puce ou application mobile et concerne tout salarié disposant d’un contrat, qu’il soit à temps plein, partiel ou en alternance. Les entreprises individuelles – qu’elles soient au régime fiscal classique ou au régime micro, que certains nomment encore « auto‑entreprise » – peuvent distribuer des titres‑restaurant à leurs salariés, mais un entrepreneur seul ne peut pas s’en attribuer à lui‑même. La confusion entre EI et micro‑entreprise ne change donc rien : c’est la présence d’un contrat de travail qui ouvre le droit au titre.


Cas particulier du dirigeant de SAS sans contrat de travail

Le président ou directeur général d’une SAS, même lorsqu’il n’est titulaire d’aucun contrat de travail distinct de son mandat et qu’il ne perçoit pas de véritable salaire, peut recevoir des titres-restaurant dans les mêmes conditions que les salariés. Cette possibilité découle de son assimilation, aux yeux de la Sécurité sociale, à un travailleur salarié : le Bulletin officiel de la Sécurité sociale admet expressément que l’avantage « repas » – et donc le titre-restaurant – peut être accordé au mandataire social dès lors qu’il supporte personnellement au moins la moitié de la valeur libératoire, comme n’importe quel salarié.

En revanche, le code du travail continue d’affirmer que les titres-restaurant sont destinés au « personnel salarié » de l’entreprise la Commission nationale des titres-restaurant s’appuie sur cette rédaction pour recommander, à titre de bonne pratique, qu’un mandataire social bénéficie du dispositif seulement s’il cumule son mandat avec un contrat de travail effectif. En l’absence de ce cumul, certains émetteurs ou commerçants pourraient refuser le paiement, bien que l’Urssaf ne remette pas en cause l’exonération. Les sociétés qui souhaitent écarter tout débat optent souvent pour une rémunération symbolique assortie d’un bulletin de paie, de sorte que le dirigeant remplisse formellement la qualité de salarié et que l’utilisation des titres-restaurant soit acceptée partout sans difficulté.



2. Régime social et fiscal de la contribution patronale


La participation de l’employeur doit se situer entre 50 % et 60 % de la valeur faciale. La fraction patronale est exonérée de cotisations sociales dans la limite de 7,26 € par titre émis en 2025 ; au‑delà, la quote‑part excessive réintègre l’assiette de calcul des cotisations et de la CSG‑CRDS. Sur le plan fiscal, cette même fraction est également déductible de l’impôt sur les sociétés. Un titre d’une valeur de 13 € financé à hauteur de 7 € par l’employeur respecte ainsi la bande des 50‑60 % et offre l’exonération maximale.



3. Conditions d’utilisation par les salariés


Depuis le décret du 29 septembre 2022, pérennisé par la loi du 23 janvier 2025, les titres peuvent régler jusqu’à 25 € par jour de dépenses alimentaires, qu’il s’agisse d’un repas dans un restaurant, d’un sandwich emporté ou de courses alimentaires en supermarché. Les salariés doivent utiliser les titres les jours ouvrables et pendant leur pause déjeuner, sauf dérogation pour travail dominical ou de nuit indiquée sur la carte électronique. Les titres papier restent valides jusqu’au dernier jour de février N+1, tandis que la carte électronique se recharge mensuellement et s’actualise automatiquement.



4. Illustration chiffrée


Une PME de vingt salariés décide, en janvier 2025, de porter la valeur faciale du titre à 14 €, financée à 7,26 € par l’entreprise et 6,74 € par chaque salarié. La dépense annuelle brute pour l’employeur s’établit à 7,26 € × 20 titres × 11 mois (hypothèse d’un mois de congés) × 20 salariés, soit 31 944 €. Aucune cotisation supplémentaire n’est due, puisque la participation patronale se situe sous le plafond. Pour un salarié, la contribution de 6,74 € n’est ni déductible ni imposable mais ouvre un pouvoir d’achat net de 280 € mensuels, substantiel par rapport à une augmentation classique qui supporterait cotisations et impôt sur le revenu.



5. Gestion administrative et obligations de l’employeur


L’employeur choisit l’émetteur agréé, fixe le montant facial et transmet chaque mois la liste des salariés bénéficiaires et le nombre de titres. En DSN, il renseigne le montant de la contribution patronale en rubrique « 092 – Avantages sociaux exonérés ». Les titres périmés font l’objet d’un remboursement ou d’un don aux associations prévues à l’article L 3262‑5‑1. En cas de contrôle URSSAF, l’entreprise doit produire les bordereaux de commande, la preuve de distribution et le calcul démontrant le respect du double seuil 50‑60 % et 7,26 €.



6. Points de vigilance et jurisprudence récente


Les inspecteurs vérifient notamment la cohérence entre le nombre de titres commandés et les jours réellement travaillés. L’attribution de titres à un dirigeant assimilé‑salarié reste possible si ce dernier est lié par un contrat de travail effectif distinct de son mandat social. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation rappellent qu’un gérant majoritaire de SARL sans contrat ne peut pas prétendre aux titres‑restaurant, même s’il cotise à la Sécurité sociale. Enfin, l’usage dérogatoire en supermarché jusqu’à fin 2026 est surveillé : au‑delà de cette date, ces achats redeviendront limités aux produits consommables immédiatement si le législateur ne prolonge pas la mesure.


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